Lettre à mon père - 1 -

19 mars 2020

Lettre à mon père - 1 -

Bonjour 'Pa, enfin bonjour, c'est vite dit !

Tu es parti le 30 décembre, après une marée rouge dans ta boite crânienne, tsunami qui ne t'a pas laissé une chance. J'ai juste eu le temps de rappliquer pour retenir Maman qui vacillait.

Je ne sais même pas si j'ai pu te dire au revoir, tes yeux étaient vides... Tu as cessé de respirer pour nous permettre de sauter dans le dernier métro bondé (c'était la grève, et ça semble déjà si loin) et retourner dans cette maison qui semblait bien vide.

Tu me manques tu sais, et puis là, c'est comme la fin du monde. Il s'est passé des trucs de dingues depuis... comme un très très mauvais film au scénario catastrophe auquel aucun spectateur n'adhèrerait : (en vrac et plus ou moins dans l'ordre chronologique)

un virus qui vient de Chine (pour les racistes),
une histoire de Q à Paris (pour attirer le chaland),
un artiste Russe (pour les théoriciens du complot),
une grève jamais vue (pour le côté social),
un vent de révolte féministe dans les milieux du sport, du spectacle... (pour les féministes),
une ministre de la santé qui fait un virage à 180° et quitte le navire au pire moment histoire de sortir le Q des ronces et de l'artiste Russe (tu suis toujours ?) et qui fout le bazar trois semaines plus tard,
un article 49-3 (pour la politique),
un état d'urgence dont il ne faut pas prononcer le nom (pour les fans d'Harry Potter)
un confinement parce qu'il n'y a plus de lits en réa et qu'il n'y a plus de masque (pour la real politique)
des entreprises qui continuent à tourner alors qu'elles ne sont pas "indispensables à la vie de la nation", et des salariés qui font valoir leur droit au retrait (pour les syndicalistes)

Bref, un beau foutoir !

Voila quelques jours que nous ne sortons plus que pour le minimum.

Le taf est en service minimum et je télétravaille. C'est loin d'être simple avec Greluche qui me sollicite régulièrement pour ses devoirs. Heureusement, Maman est là, enfin là bas, et ça l'occupe je crois : elle ne voyait pas grand monde depuis tes obsèques, mais là, son seul lien, c'est skype, whatsapp, tous ces trucs que tu n'aimais pas mais qui nous permettent de la sortir un peu de son isolement.

Loupiot est enfermé dans sa chambre d'étudiant, il tient le coup et a compris qu'il ne devait voir personne.

Quand je regarde les infos, je suis consternée : les professionnels de santé n'ont pas de quoi se protéger en quantité suffisante, certaines personnes s'agglutinent devant des commerces, sans prendre soin d'appliquer les distances de sécurité, d'autres "pillent" les supermarchés pour faire des réserves, d'autes encore ont fuit Paris, pas les plus pauvres hein, ceux qui ont déjà les moyens de se payer un billet de train et ont un point de chute, histoire de risquer de contaminer ceux qui les accueillent.

Les périodes de crise font voir ce qu'il y a de mieux et de pire chez les (in)humains.

Ce soir j'ai essayé de faire un drive : il n'y a pas de créneau avant une semaine !

Ce monde part en cacahuète !

Bon, j'espère que je n'ai pas trop fait de fautes, je sais que tu n'aimais pas.

Bises, de si loin je ne risque rien, et toi, tu ne risques plus rien...

Posté par Kokolat à 18:40 - Commentaires […] - Permalien [#]